• le 27 novembre 2022

REVÊTIR CHRIST

Sophie HELMLINGER

Mt 24, 37- 44 ; Ps122 ; Es 2,1-5 ; Rm 13,11-14 

Nous entrons avec ce dimanche dans le temps de l’Avent qui dure quatre semaines. Quatre semaines avant Noël. L’Église se prépare à célébrer la venue de Jésus sur terre. Le monde prépare des cadeaux, des bons repas, des voyages pour rejoindre la famille. Les chrétiens se préparent dans leur vie spirituelle à célébrer ce joyeux et salutaire événement. Et ils préparent aussi des cadeaux, des bons repas, des voyages pour rejoindre leur famille parce que la joie, ça se partage !

Certains préparent même des petits gâteaux de Noël pour aller dire au monde que Noël a du sens… 

   L’Eglise a choisi pour ces quatre dimanches de l’Avent des textes qui parlent essentiellement du deuxième Avènement de Jésus. Parce que nous croyons, la Bible le dit, que Jésus va revenir. Pourquoi ?
Pourquoi, quand nous nous apprêtons à célébrer Noël, la première venue de Jésus, nous lisons et méditons des textes qui parlent de sa deuxième venue, encore à venir ? 

   Parce que les deux venues, celle qui a eu lieu il y a deux mille ans environ et celle qui va venir, on ne sait pas quand, sont liées. L’une ne va pas l’autre. 

   Quand Jésus est venu il y a deux mille ans, il avait tout à fait conscience qu’il monterait sur le trône de David son père, sur le trône d’Israël. Jésus se dit lui-même constamment « le Fils de l’homme », comme dans notre texte. « Le Fils de l’homme », selon la vision de Daniel 7, reçoit de Dieu un règne éternel, qui ne passera jamais, il jugera Israël et toutes les Nations. Jésus est mort. Où est ce règne ? Son règne est certain. Les apôtres y croyaient, toutes les premières générations de chrétiens y croyaient, sinon ils n’auraient pas eu le courage de témoigner de Jésus jusqu’à la mort. 

   Le règne de Jésus sera pleinement manifesté lors de sa deuxième venue, que nous attendons.

   Jésus a préparé ses disciples à cette deuxième venue. Ils peuvent l’oublier, s’installer dans le monde, s’endormir. Et c’est ce qui s’est produit. Au cours des siècles, l’Eglise est devenue une puissance de ce monde. Elle n’attendait plus la venue de Jésus, sauf quelques chrétiens qui étaient persécutés. Aujourd’hui, il y a 360 millions de chrétiens terriblement persécutés dans les Nations. Ils attendent la venue en gloire de Jésus, qui mettra fin à leurs souffrances.

   Alors, qu’avons-nous obtenu par la première venue de Jésus ? Les Juifs ont souffert et souffrent encore, les chrétiens souffrent encore. Qu’avons-nous obtenu ? 

   Nous avons obtenu de pouvoir revêtir le Christ. « Revêtez le Seigneur Jésus-Christ », dit l’apôtre Paul en Romains 13.14 que nous avons entendu dans la liturgie.  Ce que nous avons obtenu par la première venue de Jésus, c’est de pouvoir nous habiller du Christ. 

   L’incarnation, ce n’est pas juste un joli bébé né dans une mangeoire ; l’incarnation, c’est Jésus qui vient habiller ma chair de sa propre chair. Il vient m’habiller de lui-même. Comment l’a-t-il fait ? En prenant chair, il est devenu homme, en devenant homme, il a pris le péché sur lui. Il l’a englouti dans l’amour de son père en passant par la mort pour nous, il a ressuscité et maintenant il nous donne de revêtir qui il est, sa nature. Son vêtement. 

   Revêtir un vêtement, c’est vivre selon l’identité que nous confère ce vêtement, c’est déjà pour entrer dans une activité. Quand un policier met son uniforme, il agit comme un policier, il a la force de l’état avec lui, à cause de son vêtement. Quand je mets un tablier, cela veut dire que je vais bricoler, ou cuisiner. Quand je mets une combinaison de cuir et un casque, cela veut dire que je vais faire de la moto. Chaque vêtement correspond à une action que nous allons entreprendre. Chaque vêtement induit un certain comportement. C’est l’habit qui fait la fonction. Avec Jésus, cela va plus loin, l’habit crée mon identité. Le revêtir, c’est accepter que grâce à lui je suis un homme, une femme nouvelle. Que la mort n’a pas de prise sur moi, même dans la tombe. Jésus s’est dépouillé de son vêtement à la croix pour que nous revêtions qui Il est, le ressuscité, aujourd’hui. 

   Le vêtement du baptisé n’est pas un joli symbole. C’est un signe fort que nous avons revêtu le Christ, que notre nom est inscrit dans les cieux où nous portons une robe blanche, celle de notre péché lavé (c’est l’Apocalypse qui nous le révèle). Les Romains à qui s’adressent cette lettre étaient déjà baptisés, et pourtant ils ont encore à revêtir le vêtement. Revêtir le seigneur, c’est tous les jours que je dois le faire. Il l’a fait une fois pour toute pour moi, mais moi je dois choisir d’entrer dans ce qu’Il a fait pour moi tous les jours.

Revêtir le Seigneur, ça implique que je ne peux pas faire n’importe quoi. Me « dépouiller des œuvres des ténèbres » comme dit la lettre aux Romains, c’est une conséquence de ce que je revêts le Christ. Si je veux ne pas pêcher, ce n‘est pas au nom de la morale, c’est parce que je porte Dieu en moi, en revêtant le Christ, je revêts aussi le Saint Esprit, et je n’ai pas envie de rester dans les ténèbres. Je ne cherche pas à obéir à la morale de l’Église, je veux répondre à l’amour de celui qui s’est donné pour moi !

   Revêtir le Seigneur, nous met dans la position d’agir, de mourir et de vivre comme lui. Il faut mourir à plein de choses pour lui, la convoitise, la débauche, mourir au sommeil, Si je suis capable de faire quelque chose mais je ne le fais pas, c’est aussi un péché, c’est se laisser en sommeil. 

   Revêtir le Seigneur, c’est entrer dans l’activité à laquelle il nous a préparés. Être fidèle à l’activité qu’il nous confie. Ce ne sont pas forcément des capacités naturelles. Et de toute façon, pour le Royaume de Dieu, nos capacités naturelles ont besoin de devenir surnaturelles parce que revisitées par le saint Esprit. C’est Lui qui gère. Si Dieu te demande de mettre de côté tes dons naturels, tu le fais, s’il te demande de les utiliser, ils deviennent surnaturels. Prier, aimer, donner de l’argent, guérir, donner à manger, présider, balayer, donner des paroles de connaissance. Marthe et Marie étaient en activité toutes les deux à leur façon, l’une en faisant beaucoup de tâches ménagères, l’autre en restant assise aux pieds de Jésus pour l’écouter.

   Revêtir le Christ, c’est le privilège qui nous est donné par la première venue de Jésus : nous pourrons faire ce qu’il a fait, parler comme il a parlé, nous taire comme il s’est tu, aimer comme il a aimé, pleurer comme il a pleuré, guérir comme il a guéri, prier comme il a prié, chercher la volonté de Dieu notre Père, comme Lui, Lui qui n’a jamais cessé de la chercher pour y obéir. Nous devons donc considérer que c’est notre privilège, que c’est le don que Dieu nous a fait avec la première venue de son Fils : recevoir notre identité du Christ, recevoir la même identité que Lui. Notre nature mauvaise, qui nous incitait à être indifférents aux autres, à critiquer, mépriser, à haïr, à tuer, à convoiter, à mentir, à tromper, cette nature mauvaise, Jésus l’a prise sur lui à la croix et il l’a fait fondre dans l’amour de son Père. Désormais nous sommes aimés du Père comme Jésus était aimé du Père. Et nous savons que Jésus est aimé depuis toujours et pour toujours par son Père. Eh bien, nous aussi ! Jésus a obtenu quelque chose, en souffrant, en mourant et en ressuscitant lors de sa première venue : il a obtenu que nous puissions être revêtus de sa vie, vivre comme lui a vécu, recevoir notre identité de Lui à tout moment.

   Il nous a rendus capables de quelque chose, vaincre le péché en son Nom, aller vers la sanctification en son nom. 

   C’est synonyme d’utiliser les armes de la lumière d’après le texte de Romains : casque du salut, bouclier de la foi, cuirasse de la justice, l’épée de l’esprit ( = parole de Dieu), la vérité pour ceinture et le zèle à annoncer l’évangile de paix aux pieds. C’est bien de Jésus dont il est question ici !

Son vêtement nous donne son autorité aussi. Sur nous-mêmes et devant les puissances des ténèbres

   Les chrétiens se distinguent de tous les autres humains par cette attente qui est au fond de leur cœur et qui explique ce qu’ils font ou ne font plus. 

   Cette attente les distingue mais ils restent des gens ordinaires : quand Jésus viendra – et ce sera soudain, imprévisible – de deux personnes qui travaillent ensemble au-dehors, l’une sera prise et l’autre laissée, de deux personnes qui travaillent à l’intérieur dans une maison, l’une sera prise et l’autre laissée. C’est l’attente de la venue de Jésus qui fait la différence entre ces deux personnes. L’une a revêtu le Christ, l’autre ne l’a pas revêtu. 

   L’attente de Jésus au fond de nos cœurs ne nous donne pas immédiatement un aspect extérieur différent des autres. Mais Dieu voit la différence. 

   Néanmoins, il faut que quelque chose apparaisse au-dehors, si nous attendons Jésus. Timothy Radcliffe, ancien responsable international des dominicains, a utilisé cette image : « quand je vois des personnes dans un abri de bus, je me dis – tiens ! un bus va passer ! » En voyant les chrétiens, le monde devrait comprendre que quelque chose a déjà eu lieu : Dieu qui aime tellement chacun de nous que son Fils est venu sur terre pour nous rapprocher de Dieu, mais aussi que quelque chose va avoir lieu, un événement qui changera tout : la deuxième venue de Jésus. 

Mais pour cela, il faut que les gens puissent voir une cohésion entre nos comportements et nos paroles. Noé se faisait remarquer par ses contemporains, parce qu’il construisait un bateau dans une plaine, loin de l’océan. Tout le monde voyait que Noé attendait le déluge, il se comportait très concrètement en fonction de cette attente et on se moquait de lui. Jésus dit que les chrétiens auront à vivre la même chose. Si nous ne pouvons pas convaincre nos contemporains, nous ne sommes pas pour autant dispensés de parler et d’agir en fonction de la venue de Jésus qui est certaine. 

   Agir, c’est revêtir le Christ, se tenir prêt, nourrir notre intimité avec lui. Le revêtir ce n’est pas une option. C’est une position active (c’est à moi de choisir d’enfiler son vêtement) pour entrer dans quelque chose de déjà accompli : c’est la dernière parole de Jésus sur la croix. C’est Dieu qui voit qu’on le fait ou pas. C’est ça qu’il va juger à la deuxième venue de son Fils. Si j’ai le vêtement quand il revient, alors mon juge sera mon sauveur.

   Cette deuxième venue de Jésus viendra inopinément, sans crier gare, nous dit la parole de Dieu. Et le seigneur vérifiera si nous nous sommes revêtus de Lui. Nous revêtir de Lui, c’est recevoir le fruit de ses souffrances lors de sa première venue, recevoir sa vie pour vivre dans la puissance de l’Esprit de sanctification. Revêtons le Christ ! 

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