• le 24 décembre 2023

L’HUMILIATION ET LA GLOIRE DE DIEU

Matthias HELMLINGER

Luc 1.46-55

Mariam dit : « le Seigneur a porté son regard sur l’humiliation de sa servante ». C’est un des motifs de sa louange, de son adoration. Elle ajoute : « le Seigneur a exalté les humiliés ». Deux fois, dans l’évangile de Luc, on entend Jésus répéter cela : « tout ce qui est humilié sera exalté » Lc 14.11 ; 18.14. « Exalté », signifie : être mis très haut, jusqu’au niveau de Dieu le Père. Par la venue du Fils de Dieu dans la vierge Mariam s’est produit ce renversement : ce qui est humilié devient glorieux. Le Seigneur a vu l’humiliation de sa servante et il a placé très haut les humiliés.

Posons-nous la question : quelle est l’humiliation de Mariam ? Le texte de Luc n’en dit rien. Nous ne découvrons l’humiliation de Mariam que lorsqu’elle-même la mentionne. Pour savoir de quelle humiliation elle parle, il faut donc chercher dans les textes bibliques plus largement. Le cantique de Mariam est très proche du cantique de Hannah, qu’on trouve dans I Samuel 2. On pourrait facilement les intervertir, tellement ils sont proches. Hannah était une femme humiliée. Elle aurait tellement aimé pouvoir donner des enfants à son mari, Elkana ! Elle a prié avec larmes. Et elle a été exaucée, et elle a donné naissance à Samuel, qu’elle a consacré au Seigneur. C’est Samuel qui choisira les deux premiers rois d’Israël, Saül, puis David, l’ancêtre de Jésus. Mais Mariam ne s’identifie pas seulement à Hannah la stérile, elle s’identifie aussi à l’humiliation de Jérusalem, comparée à une femme stérile par le prophète Esaïe (chapitre 54). Tous les prophètes ont annoncé que le Seigneur viendrait enlever l’humiliation de Jérusalem. Jérusalem est la capitale du peuple juif, mais une capitale stérile, qui n’engendre rien de vivant pour Dieu, puisqu’elle n’écoute pas la Parole de Dieu. Le Seigneur est donc descendu pour prendre en mains cette humiliation, pour élever jusqu’à Lui le peuple juif. En Deutéronome 26, le peuple juif confesse ceci : « les Egyptiens nous ont humiliés, nous ont imposé un dur esclavage ; alors nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères, et le Seigneur a entendu notre cri, a vu notre humiliation. V.6-7 » Le peuple juif a comme vocation de porter en son sein les humiliations de nombreux peuples, comme il le confesse au Psaume 89.51. Nous sommes donc concernés par l’humiliation que mentionne Mariam. « Le Seigneur a porté son regard sur l’humiliation de sa servante » ; « le Seigneur a exalté les humiliés ». L’apôtre Paul écrit dans Ph 3.21 : « le Seigneur transformera le corps de notre humiliation en le rendant semblable au corps de sa gloire, selon la puissance qui lui permet de tout assujettir à Lui-même ». La venue de Dieu dans le sein de Mariam, c’est la venue de la gloire de Dieu dans notre humiliation, à laquelle Mariam s’identifie, humiliation d’Israël, humiliation de chaque être humain. Voilà pourquoi Mariam ajoute : « il disperse ceux qui sont orgueilleux dans leurs pensées, il renverse les puissants de leurs trônes ». Dieu ne s’occupe que des humiliés, il se donne comme seul objectif de mettre sa gloire dans l’humiliation. C’est pourquoi ceux qui se croient puissants, les orgueilleux, sont tout simplement laissés de côté. Et quand quelqu’un est laissé de côté par le Dieu Créateur, il n’existe plus. L’évangile, c’est la liste des humiliés que Jésus visite : les humiliés dans leur âme, parce qu’ils ont trop souvent fait le contraire de ce qui est bien, les humiliés dans leurs corps, parce qu’ils sont handicapés, malades, les humiliés par le chagrin d’avoir perdu un être cher. Ce sont des humiliés que Jésus visite, exclusivement. Jésus visite avec un pouvoir de transformation de l’humiliation en gloire. Il ne visite donc pas l’être humain que nous rêvons d’être idéalement, mais l’être humain que nous sommes réellement. Il y a parfois des êtres humains que nous admirons, parce qu’ils ont du succès, ils sont célèbres, mais que savons-nous de ce qu’ils sont réellement, au fond d’eux-mêmes ? Il y a une actrice de cinéma qui vit toujours, Jip Wijngaarden. Elle était célèbre. Un jour, elle est visitée par Jésus. Elle décrit ainsi cette visite : « un homme s’approchait de moi. Il avait l’air d’un Juif. Il me regarda. Personne ne m’avait jamais regardé comme cela. Il n’exigeait rien de moi. Il était là pour me restituer quelque chose : moi-même ! Je me suis vu dans ses yeux, et dans ses yeux, ma vie valait la peine d’être vécue ». Dans les yeux de Jésus, Jip Wijngaarden a découvert qui elle était. Elle décrit Jésus comme un Juif qui l’a regardée. Mariam dit : « mon âme élève le Seigneur, et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur, car il a porté son regard sur l’humiliation de sa servante ». Dans ce regard du Seigneur sur nous, nous commençons véritablement à exister tel que nous sommes réellement. Nous cessons d’être cet être humain fictif idéal que nous nous sommes imaginés être.

Résumons ce que nous avons découvert : l’humiliation à laquelle s’identifie Mariam, c’est l’humiliation d’Israël, et l’humiliation de tous les humiliés. Par sa venue, le Seigneur renverse cette humiliation en gloire, il l’élève. Et c’est pourquoi c’est tellement la joie, la louange. Mariam veut nous entraîner dans la louange.

J’avais débuté cette prédication en vous invitant à vous poser une question : de quelle humiliation parle Mariam ? Nous avons trouvé des réponses à cette question. Posons-nous maintenant une autre question : pourquoi Mariam ne parle-t-elle pas de son fils Jésus ? A aucun moment dans son cantique, elle ne mentionne le bébé qu’elle porte en elle. Elle est chez Elisabeth, et le bébé dans le ventre d’Elisabeth a bondi de joie en entendant la voix de Mariam. Mariam a dans son ventre un bébé, Jésus, qui a à peine quelques jours et Elisabeth a dans son ventre un bébé, Jean-Baptiste, qui a déjà six mois. Elisabeth a répondu ainsi à la salutation de Mariam. Mariam est entré chez Elisabeth en disant quelque chose qui est l’équivalent d’un « bonjour », et immédiatement Elisabeth a été remplie du Saint-Esprit et a dit : « d’où m’est donné que vienne la mère de mon Seigneur auprès de moi ? » Lc 1.43. Le Saint-Esprit parle par Elisabeth. Elisabeth appelle Mariam « la mère de mon Seigneur ». Le mot « Seigneur » n’est employé par les Juifs que pour désigner leur Dieu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. Elisabeth donne donc ce nom à l’enfant qui est dans le ventre de Mariam : « mon Seigneur ». Mariam est la mère du Seigneur, elle est la mère du Dieu d’Abraham, alors qu’elle est elle-même une fille d’Abraham. L’Eglise, dans ses premiers conciles appellera la vierge Marie : « mère de Dieu », pour, justement souligner cette divinité de Jésus. Tout ceci nous amène à cette découverte : quand Mariam dit « mon âme magnifie le Seigneur », elle parle du Seigneur qu’elle porte en elle. Quand elle dit : « mon esprit tressaillit d’allégresse à cause de Dieu mon Sauveur », elle parle du Dieu Sauveur qu’elle porte en elle. Ce Dieu est venu prendre en charge l’humiliation de son peuple Israël, l’humiliation de tout être humain. Il est venu lui-même pour être Dieu notre Sauveur. 

Mariam et Elisabeth, deux mères juives, nous donnent cette assurance de pouvoir appeler « Seigneur » l’enfant né de Mariam, cet enfant auquel elle doit donner le nom de « Jésus » « Yeshoua » en hébreu, un nom qui signifie « salut », « délivrance ». 

Jésus n’est pas resté loin de l’humiliation des Juifs, il n’est pas resté loin des humiliés de ce monde. Il est venu pénétrer cette humiliation de l’intérieur pour l’élever jusqu’à son Père. C’est le sens de tout ce que Jésus a dû souffrir, c’est le sens de sa mort humiliante sur la croix : le Seigneur élève notre humiliation jusqu’à Lui. Au moment de la présentation de son enfant au temple de Jérusalem, Mariam reçoit cette prophétie : « une épée te transpercera l’âme » Lc 1.35. Mariam assistera trente ans plus tard au ministère si déconcertant et si glorieux de son fils, et elle le verra mourir sous ses yeux. L’âme transpercée de Mariam, c’est la même âme qui a magnifié le Seigneur et qui ne cessera de le magnifier. Rien ne peut plus arrêter la louange, maintenant que le Seigneur a vu l’humiliation des siens et qu’il a élevé jusqu’à lui les humiliés. Il les a élevés par la croix vers son Père dans le ciel. Cette réalité nous permet de vivre aujourd’hui et chaque jour qui vient, dans l’adoration et l’écoute de la Parole qui ne cesse d’engendrer Dieu en nous. Amen.

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