• le 23 août 2020

LA PRIÈRE DE FOI

Mt 21,18-22 Ph 4,4-7

De l’épisode du figuier maudit, je ne vais retenir que le dernier verset : « Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez ».

   Pourquoi ce seul verset ? 1) Je ne me sens pas capable de dire quelque chose de pertinent sur le reste du texte. Les commentaires que j’ai consultés ne m’éclairaient pas, puisqu’ils ne voient dans ce miracle qu’une simple parabole. 2) À elle seule, cette affirmation de Jésus nous interroge sur notre foi.

 « Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez ». Voilà une affirmation redoutable, devant laquelle n’importe quel chrétien mesure la petitesse de sa foi ; et n’importe quel prédicateur tremble de devoir la commenter.

   C’est donc avec beaucoup d’humilité que je vous propose de  réfléchir sur le lien étroit entre la prière et l’exaucement.

  L’idée dominante pour un chrétien, c’est qu’on ne peut pas dissocier prière de demande et exaucement. En effet, exceptions faites des prières de louange, d’adoration et de reconnaissance, toutes les autres formes de prières expriment des demandes. Et lorsqu’on demande quelque chose à Dieu, on attend forcément une réponse. Et c’est là que peut se créer une inquiétude ou un malaise : Est-ce que je vais être exaucé ? Est-ce que je crois vraiment que le Seigneur peut exaucer cette demande ?  Est-ce que Dieu entend ma demande ? Est-ce que je ne prie pas par habitude ? Est-ce que j’attends vraiment une réponse du Seigneur ?

   J’ai parfois l’impression que certaines prières ressemblent au geste de lancer une bouteille à la mer, avec un message à l’intérieur, comme si on oubliait qu’on s’adresse à Dieu.

   Sur quoi compte celui qui confie un message à la mer ? Il espère que les vents et les courants marins soient favorables, pour qu’un jour,  — il ne sait pas quand —, quelqu’un , — il ne sait pas qui —, découvre le message et y réponde. C’est une démarche très aléatoire et hasardeuse. En effet, cette bouteille peut couler, ou se briser sur un rocher ou sur une coque de bateau, ou être récupérée par quelqu’un qui ne lira pas le message. Il sera donc perdu, et personne n’y répondra. Avec tant d’impondérables, on ne s’étonne pas de ne pas recevoir de réponse.

   J’ai parlé de « certaines » prières. Pour être concret, je vais prendre l’exemple des intentions de prière quotidiennes qui nous sont proposées par Portes Ouverts, à l’intention des chrétiens persécutés.

   – Mercredi 19 août, on nous demandait de prier pour que Dieu libère l’église du Brunei afin qu’elle soit une bénédiction pour tous les habitants du pays. 

   – Le lendemain, jeudi, c’est pour Lydia des Philippines, qu’on nous demandait de prier.   

   – Vendredi 21, on nous demandait de prier Dieu pour que Mary, une chinoise menacée de mort par sa famille, à cause de sa foi, soit protégée.

   – Hier samedi, c’était pour la libération de Kin, un ancien bouddhiste, incarcéré depuis 6 ans, pour avoir prêché l’évangile.

   Chaque jour, depuis des années, c’est une nouvelle intention de prière qui nous est proposée, concernant un nouveau pays.  Nous ne connaissons pas ces personnes, et ne les connaîtrons jamais. Nous passons d’une personne à l’autre, d’un pays à l’autre. Et nous ne savons pas, à de rares exceptions près, ce que ces frères et sœurs persécutés deviennent, après avoir prié pour eux.

   Si nous sommes sincères avec nous-mêmes, il nous arrive de douter, de baisser les bras, de nous interroger sur le bien-fondé de nos prières. Et si nous n’abandonnons pas, malgré un certain malaise, notre prière se transforme souvent en « réflexe chrétien ».

   Ne nous arrive-t-il pas aussi de douter lorsque nous demandons à Dieu de changer le cœur de nos dirigeants, pour qu’ils gouvernent notre pays avec justice et sagesse, et pour le bien de tous, particulièrement des plus défavorisés, lorsque la télévision nous dévoile les eaux troubles dans lesquelles baignent souvent les hommes de pouvoir ?

   Les non-croyants se moquent gentiment de nous : « À quoi servent vos prières ? » Et il nous arrive parfois, non pas d’exprimer aussi franchement nos doutes, mais d’être découragés de prier, devant la violence, la cruauté, la perversité, les injustices… qui gangrènent le cœur de tant d’hommes, depuis des millénaires. 

   À quoi cela sert-il de prier, pour un monde, une société où semblent dominer le mal et l’opposition à Dieu ?

   Seigneur, est-ce que tu écoutes mes prières ? Seigneur, que fais-tu de mes prières ? Que fais-tu des dizaines de millions de prières qui montent vers toi, chaque jour ?

   Il nous semble plus facile de prier avec foi lorsqu’on demande la guérison d’un malade, la conversion d’un de ses enfants, la bonne santé de son église… bref, des prières qui ne concernent qu’un petit nombre de personnes, des personnes que l’on connaît, que l’on voit vivre.

  Mais prier pour 250 millions de chrétiens persécutés dans le monde, pour que les guerres s’arrêtent, pour que les dirigeants dirigent avec sagesse, pour que le Covid 19 cesse de faire des victimes, est-ce que ce sont des prières que Dieu écoute ?

    Pour répondre à cette question, je ne vais pas vous faire part de ce que je pense : cela n’aurait que très peu de valeur. Je vais laisser répondre l’Écriture qui est la parole de Vérité, et qui a justement été donné aux hommes pour les éclairer.

  Examinons  deux situations où Jésus a prié :

– Il a prié pour des individus : malades, boiteux, aveugles, sourds-muets, personnes décédées, démoniaques. Dieu écoutait la prière de son Fils, puisque ces personnes étaient guéris, ressuscités ou délivrés.

   À propos de l’écoute, il est intéressant de lire ce que Jésus a dit à son Père, devant la tombe de Lazare : « Jésus leva les yeux en haut et dit : Père, je te rends grâce de ce que tu m’as écouté. Pour moi, je savais que tu m’écoutestoujours, mais j’ai parlé à cause de la foule de ceux qui se tiennent ici… » (Jn 11,41-42).

   Je veux souligner ici, que lorsqu’il prie, Jésus ne doute pas que son Père l’écoute et l’exauce.

   Lorsque, parfois, nous doutons que Dieu nous écoute, demandons-nous pourquoi Jésus nous aurait demandé de prier, si notre Père céleste ne nous écoutait pas.

  Mais Jésus n’a pas seulement prié pour des individus. Juste avant d’être arrêté, il a aussi prié pour tous ceux qui croiraient en lui grâce à la parole de ses 12 disciples : « Ce n’est pas pour eux seulement ( ses 12 disciples ) que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un » (Jn 17,20-21).

   Si Jésus a prié pour la multitude des disciples qui allaient se succéder au fil des générations, et qu’il n’a eu aucun doute que son Père écoute sa prière, pourquoi douterions nous que notre Père céleste, qui est aussi le sien, n’écouterait pas nos prières lorsque nous intercédons pour les peuples, les persécutés, les gouvernants, et pour être délivrés des épidémies ?

   La seule condition pour être écouté par Dieu, c’est de prier avec foi, comme le dit Jésus : « Tout ce que vous demanderez avec foi… ». Cette précision n’est pas superflue. En effet, nous savons bien que certaines de nos prières, pour ne pas dire beaucoup, ressemblent plus à des réflexes chrétiens qu’à un total investissement de notre esprit et de notre volonté. Avons-nous compté les fois où notre prière s’est prolongée dans des pensées étrangères à la pensée initiale, ou même dans le sommeil ?

    Avons-nous compté les fois où nous sommes sortis de notre temps de prière sans avoir été abondamment ressourcé par la présence du Seigneur, parce que nos demandes étaient faites sans conviction ?

   Frères et sœurs, ne nous flagellons pas !  Tout cela est parfaitement humain. Comme l’écrit le psalmiste : « L’Éternel a compassion de ceux qui le craignent. Car il sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière » ( Ps 103,13-14). 

   Ne nous flagellons pas, mais apprenons à réagir ! Cette patience que Dieu a envers nous n’est pas une raison pour nous installer dans un doute chronique par rapport à certaines prières pour lesquelles nous avons du mal à être sincère. N’oublions jamais que le doute est une des armes favorites de l’ennemi de notre âme. Il essaiera toujours d’en tirer partie pour nous faire douter de la puissance de la prière, ou de nous suggérer que certaines prières sont inutiles.

   Oui, réagissons, frères et sœurs, lorsque nous sommes souvent confrontés à ces doutes. N’oublions jamais que Dieu a donné à ses enfants cette arme puissante pour lutter contre les forces du mal. Et gravons dans notre esprit l’affirmation suivante : Aucune prière faite avec foi n’est perdue. Même s’il faut parfois attendre 40 ans ou plus pour voir l’exaucement. De nombreux témoignages le prouvent.

   Mais, plus probant que les témoignages, il y a un verset dans le livre de l’Apocalypse qui nous montre qu’une prière faite avec foi ne se perd jamais.  Voici ce verset : « Quand il reçut le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre anciens se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or remplis de parfums, qui sont les prières des saints » (Ap 5,8).

   Pour bien comprendre la vérité et la portée de cette parole, il faut savoir que ce que décrivent les chapitres 4 et 5 de l’Apocalypse est une révélation de ce qui se passe dans le Ciel pour soutenir les églises éprouvées.

    Chaque prière que nous faisons avec foi ne s’évapore pas dans l’air. Elle est recueillie dans un vase en métal précieux, de l’or. Si les prières des saints, c’est-à-dire ceux qui reconnaissent en Jésus leur Sauveur et Seigneur, n’étaient pas importantes, l’Esprit-Saint qui a inspiré cette vision n’en parlerait pas comme un parfum précieux versé dans une coupe en or, en présence de l’Agneau, c’est-à-dire de Christ.

  Si, peut-être depuis de longues années, nous avons douté que Dieu entende nos prières, demandons-lui d’abord pardon, sincèrement. Ce pardon accordé brisera nos doutes latents, et nous conduira à être vigilants sur la sincérité des paroles que nous adressons à Dieu dans la prière. Et comprenons bien que Dieu veut nous encourager dans cette sincérité, car il la désire sans doute plus que nous.

   Comprenons aussi que Dieu n’a que faire de nos « prières-réflexes » de bons chrétien, faites à la sauvette ! Ce qu’il attend de ses enfants, c’est une prière de foi. 

Mais qu’est-ce qu’une prière de foi ?

   Pour répondre à cette question importante, il faut se poser une autre question : Qu’est-ce qui est le plus important dans la prière de demande : L’exaucement, ou la soumission à la décision souveraine de Dieu ? Il me semble que les chrétiens répondraient massivement : l’exaucement. Et on ne peut pas le leur reprocher, parce que c’est humain ; mais aussi parce que les exemples sont nombreux, dans le Nouveau Testament, où les prières de Jésus, de Pierre et de Paul ont exaucé des demandes précises faites par les personnes qu’ils rencontraient.

   Mais quand Dieu n’exauce pas nos demandes précises, peut-on dire qu’il n’a ni écouté, ni répondu ?

   Nous l’avons vu, le texte de l’Apocalypse nous dit qu’aucune prière faite avec foi n’est perdue : elle est donc entendue. Il est très important de le croire. Mais qu’en est-il de la réponse ?

   C’est là qu’il faut entendre et comprendre ce que dit Paul dans le texte que j’ai lu au début. Je le relis : « Ne vous inquiétez de rien ; mais en toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâce, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Christ-Jésus ».

   Remarquons que Paul trouve légitime que nous présentions nos demandes à Dieu, dans la prière, mais il ne fait aucune allusion à l’exaucement. Par contre, il nous demande de présenter nos demandes « avec des actions de grâce », c’est-à-dire en remerciant Dieu de pouvoir nous adresser à lui pour lui confier notre demande. Cette reconnaissance nous détourne des circonstances pour lesquelles nous prions, et nous fait tourner nos regards vers Dieu. Cela ne veut pas dire que nous avons oublié l’objet de notre demande, mais cet objet, nous l’avons totalement remis à Dieu. Nous ne sommes plus crispés sur l’exaucement tel que nous l’envisageons, mais nous acceptons, par avance sa décision souveraine, quelle qu’elle soit.

   L’acceptation de la décision souveraine de Dieu nous délivre non seulement de toute inquiétude, de toute crainte concernant la réponse de Dieu, mais nous fait goûter la paix du cœur et de l’esprit que Dieu déverse en nous. Et c’est cette paix si précieuse qui garde et maintient nos cœurs et nos pensées dans la communion et sous la protection de Christ.

   L’attente de l’exaucement engendre de l’inquiétude ; la soumission à la décision souveraine de Dieu engendre la paix du cœur et de l’esprit.

   Que le Seigneur nous permette de vivre et de comprendre ce qu’est la prière de foi.

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