• le 1 novembre 2020

HEUREUX…

Matthias Helmlinger

Matthieu 5.1-12  

« Heureux… » est le premier mot de l’enseignement de Jésus. Le premier mot de ce qui est son sermon sur la montagne dans Matthieu. En grec, ce mot est makarios, en latin beatus, d’où le mot « béatification » dans l’église catholique pour désigner le processus qui amène à déclarer « sainte » une personne. « Heureux » est aussi le premier mot des Psaumes. « Heureux l’homme qui ne va pas dans le conseil des criminels ». Les Psaumes sont d’ailleurs le livre de prières de Jésus, puisque Jésus est juif, c’est aussi le livre de la Bible où il y a le plus souvent le mot « heureux » : 25 fois en tout. Un seul psaume, le psaume 84 a trois fois le mot « heureux » : c’est un psaume qui parle de la joie des pèlerins d’être en présence de Dieu dans le temple où il habite. Cela nous donne une première indication sur le sens du mot « heureux » : il s’agit de vivre la présence de Dieu, d’y demeurer. Mais en hébreu, ce qui est surprenant, c’est que le mot « heureux » n’est pas un adjectif comme en français. Il évoque une notion de pas, d’avancées, de progressions, donc une direction qu’on prend, un but qu’on est sûr d’atteindre. On marche, et on ne marche pas vers nulle part, ni vers n’importe où. C’est le bonheur. Si Jésus emploie ici 9 fois le mot « heureux », c’est donc qu’il prie les psaumes, qu’il accomplit les psaumes. Et il priera beaucoup les psaumes sur la croix. Elle est le lieu où sa présence nous est toujours accessible, le lieu de la présence permanente de Dieu. C’est là que le Règne de Dieu promis aux pauvres en Esprit est accordé dès aujourd’hui. Les pauvres en Esprit sont déclarés les premiers à être heureux. Le Royaume ou Règne de Dieu leur appartient maintenant déjà. Toutes les autres promesses sont au futur ; mais pour les pauvres en Esprit et pour les persécutés à cause du nom de Jésus, le Royaume des cieux, le Règne de Dieu est accordé déjà maintenant. Qu’est-ce-que les « pauvres en Esprit » ? J’écris « Esprit » avec une majuscule. Il s’agit de l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint. L’Esprit Saint nous est donné à la croix. Et il fait de nous des pauvres. La croix révèle notre pauvreté, notre besoin immense de salut. Nous ne pouvons rien faire pour nous sauver. C’est pourquoi Jésus est venu. La plupart des gens à qui est promis quelque chose par Jésus sont des gens qui subissent, qui ne peuvent rien faire : les personnes en deuil. Que peuvent-elles faire ? Elles sont en deuil et il y a des deuils inconsolables. Jésus leur dit qu’elles seront consolées. La Bible parle souvent de Sion qui est en deuil et qui s’estime abandonnée du Seigneur. Et plusieurs prophètes, surtout Esaïe lui promettent la consolation de la part de Dieu. On ne peut pas ignorer que la première personne dans l’évangile qui est déclarée heureuse, c’est la mère de Jésus. Elisabeth lui dit, remplie de l’Esprit : « heureuse celle est qui a cru ». Et Marie sera présente au pied de la croix, et verra son Fils mourir sous ses yeux. Elle reçoit de Jésus un autre fils, le disciple que Jésus aimait. Elle devient mère comme Sion, sans comprendre comment c’est possible. Aux doux est promise la terre en héritage. C’est une promesse qu’on trouve trois fois au psaume 37 : ceux qui espèrent dans le Seigneur, les humbles et les justes hériteront la terre, c’est dit trois fois. C’est tout le contraire de notre expérience en tant qu’êtres humains vivant dans des sociétés organisées : il faut une armée pour défendre son pays, sa terre. Ceux qui ont faim et soif de justice sont aussi des personnes qui subissent l’injustice, elles n’y peuvent rien pour obtenir justice, elles n’en ont pas les moyens. C’est elles qui seront rassasiées par la justice qui se trouve en Jésus. Jésus vient donc sauver des personnes qui ne peuvent pas se sauver par elles-mêmes. Elles n’en ont pas les moyens. Il apporte le bonheur, là où ce bonheur n’est pas accessible. La plupart des personnes sont complètement passives dans le bonheur qui leur est apportée par Jésus : endeuillées, victimes d’injustices, calomniées, moquées, injuriées. Mais Jésus mentionne aussi des personnes qui sont actives, notamment celles qui sont actives dans la miséricorde et actives dans la paix. Les miséricordieux obtiendront miséricorde. Qu’est-ce que la miséricorde ? Si je réponds d’après le mot hébreu, c’est la tendresse qu’une mère éprouve pour l’enfant qu’elle porte dans son ventre. C’est comme cela que Dieu nous aime. Le pape avait déclaré l’année 2018 l’année de la miséricorde et il en avait donné une définition fort intéressante : la miséricorde, c’est l’acte ultime et définitif par lequel Dieu s’approche de l’être humain. La miséricorde, c’est l’acte ultime et définitif par lequel Dieu s’approche de l’être humain. C’est la croix de Jésus. C’est Jésus sur la croix. La miséricorde est donc quelque chose de très fort, très doux, mais très fort, car la douceur de Dieu est une force à rien d’autre comparable. Et vous savez que la paix, bien des apôtres nous disent qu’elle est transmise à l’humanité par la croix de Jésus. C’est le programme de la vie de Jésus : transmettre la paix. C’est ce qu’ont annoncé tous les anges au grand complet à Noël : paix sur la terre, parce que Dieu agrée les êtres humains, il ne leur en veut pas, il leur donne sa paix. La paix, c’est ce que Jésus annonce à chaque fois qu’il s’est montré ressuscité à ses disciples. Paradoxalement, cette paix, quand les disciples en parlent, quand ils annoncent que Jésus crucifié est vivant, qu’il règne désormais, qu’il va venir gouverner ce monde, l’annonce de cette paix provoque beaucoup de haine, de colère, de persécutions. Dans les premiers siècles, beaucoup de chrétiens seront mis à mort pour avoir annoncé la paix en Jésus et de nos jours aussi, plus que dans les premiers siècles. Il faut reconnaître aux islamistes un point commun avec les chrétiens : ils sont prêts à mourir pour leur foi. La différence, c’est que le chrétien ne cherchera pas cette mort et ne cherche surtout pas à entraîner qui que ce soit dans la mort. Le chrétien est prêt à mourir pour Jésus parce qu’il vit uniquement pour Jésus. Et parfois, c’est plus difficile de vivre pour Jésus que de mourir rapidement pour Jésus. Pour la plupart des chrétiens, mourir pour Jésus, c’est tenir bon, là où Dieu les a placés. Tenir leur poste. Tenir dans mon foyer. Tenir dans mon village. Tenir dans mes engagements dans la société. Tenir dans l’espérance si je suis malade et ne peux plus rien faire, tenir, parce que Jésus est là, près de moi. Mourir n’est pas une échappatoire. Dans l’évangile de Jean, des personnes se demandent si Jésus ne va pas se suicider. L’opposition constante que Jésus a eu à affronter aurait pu le pousser à vouloir mourir. Mais l’évangile de Jean dit que ce n’est pas ainsi qu’il faut envisager la mort de Jésus : il a donné sa vie par amour pour ceux qui le persécutaient. Il a tenu bon dans la miséricorde, dans la douceur, dans la paix et la justice qu’il a voulu transmettre à chaque être humain. Sur Radio Espérance cette semaine, j’ai entendu cette définition de la miséricorde : sur la croix, Jésus a pris tous les péchés de chaque être humain, passé, présent ou futur et il les a tous engloutis dans sa miséricorde. Amen.

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