Philippiens 4,4-7
Les 2 exhortations principales du texte que je viens de lire, peuvent engendrer de l’incompréhension chez de nombreux chrétiens : Comment est-il possible de toujours se réjouir ? Comment est-il possible de ne s’inquiéter de rien ? Paul serait-il un idéaliste complètement déconnecté de la réalité ? Son intention est-elle d’enjoliver la réalité quotidienne des hommes pour les attirer à Christ, en leur faisant croire : Si vous venez à Christ, vous passerez votre temps à rire, et votre vie sera un long fleuve tranquille ?
Non ! Paul est un authentique homme de foi, et il n’a jamais dissimulé que sa foi et son obéissance à Dieu ne lui avaient pas épargné les épreuves. Pour s’en convaincre, il suffit de lire 2 Co 11,23-29 où il décrit les circonstances terribles auxquelles il a été confronté en tant que serviteur de Christ : J’ai « été souvent en danger de mort, 5 fois j’ai reçu des Juifs 40 coups moins un, 3 fois j’ai été battu de verges, une fois j’ai été lapidé, 3 fois j’ai fait naufrage, j’ai passé un jour et une nuit dans l’abîme. Souvent en voyage, exposé au danger des fleuves, aux dangers des brigands, aux dangers de la part de mes compatriotes, aux dangers de la part des païens, aux dangers de la ville, du désert, de la mer, aux dangers parmi les faux frères, au travail et à la peine ; souvent dans les veilles, dans la faim et dans la soif, souvent dans les jeûnes, dans le froid et le dénuement ». Et de plus, lorsqu’il écrit aux Philippiens, Paul est en prison à Rome, à cause de sa foi en Christ.
Si Paul n’est ni un idéaliste ni un manipulateur, alors il faut accorder du crédit à ces 2 exhortations surprenantes. Essayons de bien les comprendre, afin de pouvoir les mettre en pratique.
Pour cela, il est nécessaire de faire la différence entre le « bonheur » et la « joie ». Le bonheur dépend des événements, des circonstances de notre vie. Quel bonheur de se promener au bras de la personne aimée ! N’est-ce pas ! Mais ce bonheur, à quoi cède-t-il la place, lorsque le ou la bien-aimée décède dans un accident de voiture ?
La joie est bien différente du bonheur ; elle est plus profonde et plus forte. Pourquoi ? Parce qu’elle exprime la confiance tranquille et ferme en l’amour de Dieu et en son œuvre pour nous. Le bonheur dépend des événements, tandis que la joie dépend de Christ. Or, Christ est avec nous pour toujours.
Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur.
Lorsque Paul écrit ces mots aux chrétiens de Philippe, il sait que cette église est confrontée à de graves déviations de la part de faux docteurs qui veulent détourner les croyants de son enseignement (Cf Ph 3,2 ; 18-19). Pour Paul qui est en prison, loin de ses frères qu’il aime, et pour les chrétiens de Philippe qui sont bousculés dans leur foi, c’est une épreuve et une source de soucis. Nous avons tous tendance à nous laisser influencer par les circonstances de la vie. Or, Paul veut nous montrer qu’il y a une autre façon de réagir, quelques soient les circonstances.
Paul ne dit pas aux chrétiens de Philippe qu’ils doivent se réjouir qu’il y ait dans leur église des faux docteurs qui veulent les détourner du véritable Évangile ! Il ne s’est jamais réjouis lui-même de ce que certains de ses compatriotes aient voulu le supprimer physiquement. Il ne s’est jamais réjoui d’avoir été lapidé et laissé pour mort. Il n’a jamais dit : Réjouissez-vous toujours ! Il a dit : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! » Ce n’est pas du tout pareil ! Cela veut dire : Réjouissez-vous d’appartenir au Seigneur, d’être uni à Lui par la foi, de le connaître en tant que Seigneur. En d’autres termes, Paul nous dit : Refusez de laisser les circonstances votre vie, heureuses ou malheureuses, vous dicter votre état d’esprit. Faîtes le choix, volontaire, d’accorder plus d’importance à votre relation avec Christ (relation qui est l’œuvre du saint-Esprit en nous), qu’aux circonstances difficiles que tout homme rencontre inévitablement au cours de sa vie.
Faire ce choix a pour conséquences de relativiser l’importance qu’on accorde aux circonstances difficiles ou dramatiques qui peuvent nous arriver. C’est Dieu seul qui nous permet de prendre cette distance. Paul nous rappelle, par cette exhortation, que l’essentiel pour un homme, c’est la relation intime qu’il entretient avec son Seigneur. Si cette relation n’est pas notre priorité, jamais nous ne pourrons comprendre qu’on puisse traverser les épreuves sans être éprouvés ou détruits ; nous ne pourrons pas comprendre non plus qu’il existe une force plus forte que les épreuves : cette force, c’est la joie d’appartenir au Seigneur. Elle nous est offerte gratuitement. Il suffit de l’accueillir.
Paul nie-t-il que les épreuves restent des épreuves et sont difficiles à vivre ? Absolument pas ! Alors comment faire pour ne s’inquiéter de rien, comme il nous exhorte à le faire ? Il nous donne la solution au v. 6 : « En toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâce, faîtes connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos cœurs et vos pensées en Christ-Jésus ».
Nous sommes tellement perturbés par nos inquiétudes, nous y accordons tellement d’importance, elles occupent un tel espace dans nos pensées qu’on est presque étonné que la solution soit si simple. On aimerait que Paul nous donne une recette compliquée qui fasse plus sérieux. Nous ressemblons souvent à Naaman qui, atteint de la lèpre, s’est mis en colère parce qu’il trouvait trop simple ce que lui avait fait dire le prophète Élisée pour qu’il soit guéri : « Va te laver 7 fois dans le Jourdain ». Il avait fait un long chemin pour venir en Israël dans l’espoir de guérir. Et voilà qu’il était prêt à repartir sans être guéri, parce que, ce qu’on lui proposait était trop simple, selon lui ! Il n’a dû sa guérison qu’à la sagesse de ses serviteurs qui lui dirent : « Si le prophète t’avait demandé quelque chose de difficile, ne l’aurais-tu pas fait ? À plus forte raison dois-tu faire ce qu’il te dit : Lave-toi et sois pur ! « (2 R 5,13). Il a fini par y aller. Et il fut guéri !
Nous occidentaux, le problème de notre foi, c’est que nous l’avons intellectualisée, rationalisée. Nous pensons que ce n’est pas faire preuve d’intelligence de croire simplement ce qui est écrit dans la Bible, comme un enfant peut le faire. Et pourtant, Jésus nous a exhortés à devenir comme des enfants, en matière de foi : « Si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3).
Que propose Paul ? Faites connaître à Dieu vos demandes. La traduction en français courant dit : « Demandez à Dieu ce dont vous avez besoin ». Comment ? « Par la prière et la supplication, avec des actions de grâce ».
La prière n’est pas une parole adressée à n’importe qui. C’est une parole que nous adressons à Dieu. Mais à quoi cela sert-il de s’adresser à Dieu si l’on ne croit pas que Dieu entend nos demandes et veut y répondre ? Combien de fois avons-nous demandé quelque chose à Dieu sans s’attendre vraiment à ce qu’il nous réponde, d’une façon ou d’une autre ? C’est sans doute pour cela qu’à la prière, Paul ajoute la supplication. En effet, la supplication c’est le contraire d’une prière faite à la légère, c’est à dire une prière pour laquelle on n’est pas sûr d’avoir une réponse.
Une supplication, ce n’est pas non plus une prière inquiète, mais une prière qui montre à Dieu que nous voulons qu’il nous réponde, parce que c’est en Lui que nous plaçons notre confiance ; elle montre que nous nous attendons à Lui. Souvenez-vous de la prière de la veuve qui a harcelé le juge inique jusqu’à ce qu’il lui fasse justice (Luc 18,1-8) et du commentaire que fait Jésus : « Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à Lui jour et nuit, et tarderait-il à leur égard ? Je vous le dis, il leur fera promptement justice ».
Mais ce n’est pas tout : En plus de la prière et de la supplication, Paul ajoute quelque chose qu’il est important de comprendre : Avec des actions de grâce. Une action de grâce, c’est un remerciement, c’est l’expression d’une gratitude. Paul nous dit que la prière et la supplication doivent être accompagnées de remerciements. Mais remerciements pour quoi ? Pour l’exaucement de la demande qu’on est en train de faire à Dieu. Ce n’est pas la méthode Coué ! Ce n’est pas non plus forcer la main de Dieu, puisque Jésus lui-même a dit à ses disciples : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et cela vous sera accordé (Mc 11,24). L’action de grâce qui fait suite à la prière est le signe de la confiance parfaite que l’on place en Dieu, quant à sa réponse.
Cette démarche de confiance et de foi débouche sur une véritable guérison, un véritable miracle. Lequel ? « Alors, la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Christ-Jésus » (v. 7). C’est cela la véritable guérison et le véritable miracle !
Nous avons tous vécu des situations où les inquiétudes envahissaient nos pensées, au point qu’elles devenaient obsessionnelles, éprouvantes et destructrices. C’est la raison pour laquelle je parle de guérison et de miracle, lorsque nous accueillons la paix de Dieu.
Paul sait parfaitement que les épreuves sont inévitables dans toute vie. Mais il veut faire comprendre que ce n’est pas dans le plan de Dieu qu’elles gâchent ou détruisent notre vie. Dieu a un autre plan pour nous : Nous donner une paix qui ne peut venir que de lui, et qui fera que notre communion avec lui ne pourra jamais être détruite.
Il nous invite à laisser tomber le cercle vicieux « soucis – inquiétudes – soucis », et à saisir, par la foi, le cercle vertueux « confiance en Dieu – paix de Dieu – confiance en Dieu ».
Ce n’est pas hypothétique. C’est une promesse !