Genèse 1,1-5
Jean 1,1-13
Ce n’est pas un hasard, si l’Évangile de Jean commence par la même expression que le livre de la Genèse : Au commencement. Derrière cette allusion aux 5 premiers versets de la Création, Jean veut nous faire comprendre une chose essentielle : Les hommes naissent dans les ténèbres, mais Christ est venu leur apporter la lumière.
Que nous disent les premiers versets de Genèse ? Au commencement, c’est-à-dire lorsque Dieu est intervenu pour la première fois, la vie n’existait pas ; ce n’était que tohou ve bohou, comme le dit le texte hébreu, c’est-à-dire vide et néant, et c’était le règne des ténèbres. Cependant, le texte dit aussi que l’Esprit de Dieu existait déjà : « L’Esprit de Dieu planait au-dessus de l’eau » (v. 2b).
Pour que les ténèbres ne règnent pas sur toute la création, et pour que la vie apparaisse, la première chose que Dieu a créée, c’est la lumière. Le texte précise qu’il l’a séparée des ténèbres (v 4), afin qu’il n’y ait plus de confusion possible. Après cela, le texte nous dit que « Dieu vit que la lumière était bonne » (v 4), sous-entendu, bonne pour l’homme que Dieu allait créer par la suite (Gn 1,26).
Lorsqu’on lit le début de l’évangile de Jean, on est frappé par les multiples allusions qu’il fait aux premiers versets de la Genèse. Jean parle aussi de lumière et de ténèbres. Là où Genèse dit que « Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres », Jean écrit que « la lumière brille dans les ténèbres ». Là où Genèse dit que « Dieu créa le ciel et la terre », Jean écrit que « tout a été fait par la Parole, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle ».
Remarquons que Jean parle d’abord de la Parole, puis de la lumière. Il passe de l’une à l’autre sans les différencier : « En elle (la Parole) était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (v 3). Un peu plus loin, il parle de « la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme « (v 9). Pour lui, Parole et Lumière désignent un seul et même personnage : le Christ.
Le parallèle entre Gn 1 et Jn 1 est suffisamment clair pour qu’on puisse affirmer que le « commencement », c’est le temps où Dieu a entrepris son plan de salut. De même que pour que la vie apparaisse sur terre, et qu’il soit mit fin aux ténèbres et à la confusion, Dieu a créé la lumière et l’a séparée des ténèbres ; de même, pour que l’homme connaisse la Vie et ne reste pas dans la confusion et prisonnier des ténèbres, Dieu a donné Jésus-Christ, la lumière du monde.
De quelles ténèbres les hommes sont-ils prisonniers ? Des ténèbres de la nature pécheresse que nous avons tous héritée d’Adam, après la chute. Relisez attentivement Gn 5,1 et 5,3. En 5,1, le texte nous dit « qu’Adam fut créé à la ressemblance de Dieu » ; mais en 5,3, le texte nous dit « qu’Adam engendra un fils à sa ressemblance », c’est-à-dire non plus à la ressemblance de Dieu, mais à la ressemblance de son père qui, entre temps, était devenu pécheur puisqu’il avait désobéi à Dieu en mangeant du fruit défendu.
L’apôtre Paul a souligné les conséquences dramatiques des ténèbres qui nous habitent à cause de cet héritage : « Les tendances de la chair (c’est-à-dire les tendances de l’homme qui ne vit pas encore dans la lumière du Christ) sont ennemies de Dieu, parce que la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle en est même incapable » (Rm 8.7).
Pour remédier à cela, Christ est venu dans ce monde. D’abord pour que les hommes prennent conscience qu’ils sont dans les ténèbres. Ensuite pour les sortir de leurs ténèbres en leur donnant la lumière de la vie : « Je suis la lumière du monde, dit Jésus ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8.12).
Il est frappant de constater combien Jean insiste sur l’aveuglement spirituel des hommes. A trois reprises, il mentionne le fait que la lumière, Christ, est venu dans notre monde, mais que de nombreux hommes ne veulent ou ne peuvent pas la voir : v 5 « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie »; v 10 « La lumière était dans le monde et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a pas connue » ; v 11 « La lumière est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçue ».
Comment appelle-t-on un homme qui marche en plein jour mais qui pourtant ne voit rien de ce qui se trouve autour de lui ? C’est un aveugle, physiquement parlant. La lumière parvient bien à son œil, mais son nerf optique malade ne la transmet pas au cerveau. Il est dans les ténèbres.
Spirituellement, c’est exactement la même chose. Jésus-Christ, la lumière du monde, est venu dans notre monde pour éclairer l’esprit de tout homme. Et pourtant, dans notre pays, une écrasante majorité de nos contemporains sont aveugles, spirituellement parlant. Cela signifie-t-il que Dieu aurait besoin d’un conseiller en communication pour faire passer son message de salut ? Pas du tout ! Dieu a fait tout ce qu’il fallait pour faire comprendre aux hommes l’urgence qu’il y a à sortir des ténèbres, et à venir à la lumière. Qu’a-t-il fait ? Il a suscité des hommes qui, inspirés par son Esprit, ont écrit la Bible. Il s’est incarné lui-même dans la personne de Jésus qui a donné sa vie à la Croix pour que les hommes soient pardonnés. Il a permis que les textes bibliques soient de plus en plus accessibles aux hommes. De plus, tout au long des siècles, il a suscité des témoins fidèles qui ont annoncé et qui annoncent encore le salut en Jésus-Christ ressuscité.
Dieu, a donc tout fait pour que les hommes le connaissent et soient sauvés. Mais beaucoup restent sourds et aveugles, car ils cherchent la vérité, non pas dans ce que Dieu dit dans la Bible, mais avec la seule lumière de leur raison qu’ils croient infaillible.
Seule la connaissance de la Bible et la volonté de s’y soumettre est capable de faire sortir un homme de son aveuglement, de ses ténèbres spirituelles. Dieu l’a voulu ainsi. C’est par l’enseignement que la Bible nous donne, par la connaissance de la vie et de l’œuvre de Christ, que l’homme comprend que sa nature héritée d’Adam le place sous la colère de Dieu et sous son jugement (Rm 3.23), mais que Dieu lui offre, gratuitement, le salut en Jésus-Christ (Rm 3.24).
Il est important de comprendre que sans une prise de conscience aigüe de notre condition de pécheurs qui nous condamne à la mort spirituelle, notre repentance sera formelle ou superficielle ou inexistante. Et de plus, nous serons dans l’incapacité de comprendre le sens profond du sacrifice de Jésus à la Croix. Nous ne comprendrons pas non plus ce que signifie le salut par grâce.
Dans ces conditions, la vie spirituelle, quand elle existe, se réduit à une routine ; ou à une habitude que l’on perd vite dès que survient le moindre changement de vie. Elle peut être aussi une illusion mensongère : Je crois, mais je ne pratique pas !
Aussi longtemps que les ténèbres n’ont pas cédé la place à la lumière, la foi est trop souvent confondue avec la religion. C’est-à-dire : une morale, une pratique religieuse, ou une expérience du passé, comme le baptême et la confirmation. Pour beaucoup de nos contemporains, ceci est suffisant pour être qualifié de chrétien.
Paul a voulu combattre cette fausse compréhension de la foi, en prenant l’exemple de la circoncision, signe de l’alliance entre Dieu et son peuple. Beaucoup de Juifs pieux se sentaient en règle avec Dieu parce qu’ils étaient circoncis. Paul leur dit : « Le Juif, ce n’est pas celui qui en a les apparences ; et la circoncision, ce n’est pas celle qui est apparente dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre » (Rm 2,28-29).
Comprenons bien ce que dit Paul : La vie chrétienne, c’est une vie de foi en Jésus-Christ. Et la foi c’est une relation intime avec Dieu qui se vit dans la confiance, la soumission, l’obéissance et la dépendance. Devenir croyant c’est un changement radical, puisque c’est passer des ténèbres à la lumière, comme le dit Paul: « Autrefois, en effet, vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité » (Eph 5.8). Devenir croyant, c’est passer obligatoirement par une nouvelle naissance, comme nous le dit Jean : « Mais à tous ceux qui ont reçue la lumière (Christ) elle a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu »(Jn 1. 11-13). L’initiateur de cette nouvelle naissance, spirituelle, et Celui qui la rend possible, c’est Dieu lui-même par Jésus-Christ.
L’homme n’a qu’une seule chose à faire : Reconnaître qu’il est dans les ténèbres aussi longtemps qu’il ne se tourne pas vers Christ. Dieu fait le reste. La nouvelle naissance, indispensable pour entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3.5), c’est l’œuvre exclusive de Dieu. Elle s’accompagne de la reconnaissance émerveillée de l’homme qui a enfin trouvé la lumière. On n’est pas sauvé en présentant à Dieu la liste de ses états de service : Regarde, Seigneur, tout ce que j’ai fait pour toi ! Le salut ne se mérite pas ! Être enfant de Dieu ne se mérite pas non plus. C’est seulement par grâce que nous pouvons le devenir, lorsque, en accueillant le Christ, Dieu nous fait passer par la nouvelle naissance pour nous sortir des ténèbres. « Autrefois, en effet, vous étiez ténèbres, dit Paul, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur » (Eph 5,8).
