• le 9 septembre 2025

DISCIPLE DE CHRIST : COMMENT ?

Matthias HELMLINGER

Luc 14 v 25 à 35

« Haïr sa propre vie » et les personnes pour lesquelles nous avons le plus d’affection, tels sont les propos de Jésus que nous venons d’entendre.  On a envie de fuir. Le verbe « haïr » est utilisé, car on n’avait pas d’autre mot à l’époque pour dire « préférer ». Il faut préférer Jésus à n’importe qui d’autre, y compris à nous-mêmes. Mais n’est-ce pas là le langage des gurus ? On est d’autant plus surpris par ces exigences, que Jésus vient de raconter une parabole où un roi invite à son repas de noces n’importe qui, les premiers venus, sans condition d’entrée. Tout ce qui les aura attirés, c’est la perspective d’un bon repas, autour d’une table bien garnie. Et voilà que, sans transition, Jésus enchaîne en posant des conditions drastiques pour le suivre. Il faut le préférer à tout, à tous, et même à soi-même. Son amour ne serait donc pas gratuit, comme on nous le dit si souvent ? Il faut tout donner ? A cette question on peut bien sûr répondre que Jésus s’est donné d’abord lui-même, entièrement, sans rien garder pour Lui. C’est le sens de la Sainte-Cène que nous allons célébrer. L’apôtre Paul dit même qu’il s’est vidé de lui-même Ph 2.7. Oui, mais voilà que Jésus dit que pour nous, ce sera le même chemin, puisque c’est le sien. C’est même lui, le chemin. 

Parfois l’évangile nous conduit jusqu’à ce point où nous sommes obligés d’avouer : je ne comprends pas, et je ne peux pas comprendre, c’est totalement impossible. Quand nous en arrivons à ce point, nous sommes près de Dieu, du Dieu vivant et vrai. Seule une idole, c’est-à-dire ce que nous avons imaginé de Dieu, peut être réduit à ce que nous pouvons comprendre.

Je ne comprends pas, et je ne peux pas comprendre, mais cela ne veut pas dire que je vais jeter l’éponge, renoncer à la Bible et me tourner vers des sagesses spirituelles plus accessibles. La solution n’est pas dans ma compréhension humaine, mais dans l’écoute de la voix qui prononce les paroles de la Bible. Il nous arrive souvent, dans nos relations humaines, que nous comprenons beaucoup mieux une parole, lorsque nous entendons la voix qui les prononce. La voix en elle-même nous indique beaucoup de choses. Le visage aussi. Jésus entendait la voix de son Père et il dit que ceux qui lui appartiennent entendent sa voix. Quand il y a les paroles et la présence de la Voix qui nous parle, nous comprenons. Cela ne se passe pas dans notre intelligence, mais en nous. Nous nous découvrons unis à Jésus. L’épouse comprend son époux. En présence de Jésus, ce qu’il dit devient vrai et nous pouvons voir comme réel ce qu’il dit. Même si nous ne comprenons pas. Nous sommes unis à Lui par son corps et son sang, par les paroles qu’il a prononcées sur le pain et le vin que nous prendrons tout à l’heure. Par les paroles qu’il a prononcées avant et après sa mort. Par toute l’Ecriture qu’il a magnifiquement accomplie. Et c’est parce que nous sommes unis à Lui que nous croyons aux paroles qu’il dit.

Dans cette union avec Jésus tout devient possible. Car cela ne viendra pas de nous, mais de Lui. Pierre pensait avoir la force d’appliquer les paroles de Jésus que nous avons entendues : le suivre jusqu’à la croix. Il a échoué. Il faut donc en conclure que suivre Jésus est une grâce qui nous est donnée en même temps que l’invitation. Jésus ne prend pas des gens capables. Mais il prend des gens incapables et les rend capables. Pierre en est un exemple parmi des millions d’autres :  après la résurrection, il a suivi Jésus jusqu’à la croix, à Rome. Quand nous recevons la grâce de venir à ce festin royal que nous n’avons pas mérité, nous recevons aussi la grâce de vivre avec Jésus son destin. Et le destin de Jésus a été de mourir rejeté et humilié. La grâce pour venir au festin est la même grâce qui nous fait suivre Jésus. 

Nous devenons ainsi sel de la terre. Le sel a trois fonctions dans la Bible : 1 il préserve la viande de la corruption 2 il est le signe de l’alliance avec Dieu 3 il relève le goût des aliments.  Nous sommes sels de la terre parce que nous indiquons au monde la valeur qu’il a pour Dieu. « Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique… » Jn 3.16 : voilà la valeur qu’a le monde aux yeux de Dieu. Le monde a tant besoin de cette miséricorde, de cet amour de Dieu !

La miséricorde du Père est toujours première : nous sommes invités à un repas de noces. L’amour du Père est venu nous rejoindre, qui que nous soyons. Touchés au cœur, nous recevons une transformation de nous-mêmes, qui va sans cesse continuer dans notre vie. Cette transformation sollicite tout ce que nous sommes, toutes nos habitudes. Cette transformation nous donne la force de suivre Jésus, le Sel de la terre. Il donne à chaque vie humaine une valeur infinie, il donne même sa valeur à la création tout entière. Si donc nous nous perdons en Lui, si nous lui consacrons de notre temps, de notre énergie, si nous renonçons pour Lui à tant et tant de choses, nous retrouverons tout cela en Lui, avec le vrai goût, préservé de la corruption, comme fait le sel. Nous nous retrouverons enfin nous-mêmes, tels que le Créateur nous a imaginés.

L’évangile nous raconte l’histoire de Pierre, mais aussi l’histoire d’une femme, Marie de Magdala qui s’était donnée entièrement pour Jésus. Elle a versé sur ses pieds un parfum représentant des années de travail, probablement un parfum qu’elle avait mis de côté pour le jour de son mariage, pour l’homme de sa vie. Elle s’était réellement vidée elle-même sur Jésus, vidée même de l’estime de soi qui lui restait encore, car c’était une prostituée, et elle a déversé ce parfum en public sur les pieds de Jésus. Elle n’avait plus rien à elle, toute sa personne et sa réputation avaient été abandonnées à Jésus. En-dehors de Jésus elle n’était plus rien. Jésus pouvait-il rester dans la tombe ? S’il était resté dans la tombe, la vie de Marie de Magdala aurait été perdue avec Lui. Mais Marie de Magdala a été la première personne à voir Jésus vivant après sa mort. Du coup, elle a voulu lui embrasser les pieds, car c’était sa vie en Jésus qu’elle voulait toucher à nouveau. Et Jésus lui a dit de ne pas le toucher, mais d’aller trouver ses frères et de leur dire qu’il monte vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu. 

Le signe que nous avons tout donné de nous-mêmes à Jésus, c’est que nous allons trouver nos frères. Nous allons construire avec eux cette tour qu’est l’Eglise. Nous allons remporter avec eux la guerre contre le diable qui s’avance vers nous avec toute son armée, bien plus fort que nous. Mais dans cette guerre, avec nos frères nous bénéficions de l’assistance d’un général invincible : Jésus, mort sur la croix, ressuscité, vivant auprès du Père pour tous les êtres humains. Amen.

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